Un tour en Asie
/B_nb_commentaires>
Avec une pensée particulière et solidaire pour tout le peuple japonais.
Bon allez, ça va faire quatre jours que je suis au japon et je continue de le reculer ; alors là, j’ai toute une après-midi de voyage devant, je n’ai plus d’excuses. Il est temps de commencer ce foutu récit.
C’est d’ailleurs dommage de ne pas avoir commencé avant car, comme à chaque voyage, il me vient une quantité phénoménale d’idées, de tournures de phrases, de visions et d’histoires aussi intéressantes qu’éphémères.
Vous devinez la suite, je les ai oubliées.
Commençons sans plus tarder.
15.02.2011
Je suis arrivé à Tokyo le ventre creux, mon TPE (+ 15 heures d’avion) sous les yeux et un soleil radieux.
(+ un froid de gueux)
Lorsqu’on pense à Tokyo, on imagine d’immenses tours, une fourmilière gigantesque, les yeux bridés, des masses humaines faramineuses, des lolitas aux portables à strass, des très sérieux aux sombres mallettes bien carrées, peut-être même quelques monuments célèbre.
Lorsqu’on voit Tokyo, on voit tout ça, mais il y a masse de choses à côté.
Il y a ainsi Ueno, aux rues biens fleuries, à l’ambiance très particulière.
Tokyo la nuit. Mon quartier est garni de petites ruelles et de passages secrets.
On dirait une serre tant il y a de plantes ! Mais surtout, il y a l’ambiance : beaucoup de lumières, des lampadaires et des lampions pour cultiver les japonais et écoutez ! pas un bruit dans la capitale.
Il y a les traditions et le mode de vie des japonais : super-méga intéressant mais super-méga-giga-trop long à raconter ; que l’on découvre non pas au travers d’un bouquin ou d’un guide, mais au quotidien, par l’observation et les rencontres.
Il y a tellement de choses à dire ; tellement d’images, de flashs, de sons, de paroles, de situations, de regards, et de souvenirs déjà !
Il y a des choses qui ne se racontent pas, que l’on ne peut expliquer et que l’on ne comprend sans doute qu’en les vivant.
Il y a les petits et les grands destins qui s’entremêlent, il y a les rencontres, l’Histoire, la cuisine (dégueulasse pour ce qui est du poisson et des fruits de mer, je déteste !), il y a la musique ; tout ce qui fait qu’on tremble de bonheur.
De se sentir vivant.
Les voyages sont comme des renaissances.
Que dis-je, ce sont des renaissances.
Aïe, je n’avais pas prévu de résumer et je me suis prise toute seule de court.
Actuellement, nous sommes à Takayama, un « petit » village de 2 millions d’habitants en pleine montagne.
L’hiver est encore là au Japon, tout est blanc dehors.
J’écris.
Nous sommes au Ryokan « Sosuke », il est 21H52, 13H52 en France.
Le Japon tout entier est un paradoxe : tout passe d’un extrême à l’autre et donne naissance à un équilibre assez étrange.
Lolitas à la chevelure rose, pompons accrochés aux couettes, croisant nos très sérieux, mallettes noires en main, regard d’autoroutes où les lunettes n’arrivent pas à cacher l’excès. L’excès peut-être de routine ou de stress, de saké et de cigarettes mentholées.
Géants vitrés de 99 étages surplombant la maisonnette tôlée aux rideaux fermés.
Des espaces urbanisés saturés aux grands horizons blancs, bleus et verts…
De l’innovation aux traditions.
Passer de la fantaisie, un culte de l’émerveillement, au plus barbant qui soit.
Tout ça, tout ça, en un clignement d’œil.
Station de Marunouchi : les trains n’arrêtent pas de vomir des Japonais, des Japonais ... encore des Japonais ... des ... ah non ! Un touriste !
Ils sont pressés, les yeux rivés sur leur portables à l’écran immense, soit sur leurs pieds, soit sur vous (de façon nonchalante) mais principalement sur leurs portables.
Il y a parfois de petits gingles du genre jeu-vidéo et clochettes de Noël qui résonnent dans la gare, suivie d’une voix qui me parait un peu niaise. Toujours du bruit mais silencieux, discret le bruit. Toujours du mouvement, mais discret aussi. A Tokyo, tout se fait dans le calme et le respect.
Marché de Tsukiji, ambiance extra.
L’odeur de poisson qui d’habitude me dégoute devient ici attrayante et "justifie" d’une certaine façon le lieu.
Bruits, lumières électrique des ampoules, eau poisseuse, morue. On dirait une espèce d’immense garage, un gigantesque quartier futuriste abandonné puis reconverti. Et ça sent la rouille, le bitume, la mer et les cris à plein nez. Une sorte de QG du poulpe et de l’espadon.
Il y a une ambiance si électrique et vivante qu’on ne peut lui associer qu’une musique de rue, de ghetto, un ghetto poissonneux, une mini-ville sous un immense toit de tôle peroxydée.
– écouter Pearly Gates, de Mobb Deep
Tout près du marché de Tsukiji, le parc Tsukiji-Gawa a la réputation d’être le plus beau de Tokyo et ce n’est pas moi qui dirais le contraire !
J’ai mis 30 minutes environ à réaliser ce "croquis". J’en suis assez contente mais reste déçue de ne pas avoir réussi à retranscrire l’ambiance : la lumière croissante du soleil jusqu’à l’écrasement.
Dans mon souvenir, les buildings sont la première chose que l’on aperçoit entourant le parc, donnant à celui-ci un air de Central Park.
Ici, c’est le pont que l’on voit au premier plan, l’arbre, et puis le regard se perd.
Nous sommes en hiver. L’herbe est d’un blond de paille, cramée de froid, les arbres bruns épicés, le ciel bleu opalin et l’eau des bassins tournoient en bleus acier et gris clairs. Comme quelque chose de limpide.
18.02.2011
« _ Les japonais, c’est fiftie-fiftie, y a des vrais cons et des gens géniaux.
Comme en France quoi !
Et encore, moi je trouve que comparés aux cons de France, les cons d’ici sont carrément neutres !
Ouais, c’est juste qu’ils sont froids quoi.
Carrément inertes oui ! Pas un regard, ou un regard sans vie. Tous la même allure, complètement bouffés par la routine. Moi, je prends ça pour de la nonchalance.
Et pourtant, c’est du respect ! Tout au Japon passe par le respect des choses.
Ne jamais choquer, donc, toujours rester neutre.
Le mot neutre revient souvent ! Tout ce que j’en dis c’est qu’ils ont l’air d’automates sans vie et sans avis, dénués de sentiments et condamnés à la tâche qui leur est attribuée.
Ce n’est qu’une apparence. »
Ce n’était qu’une apparence.
On s’étonne que les japonais soient si « différents » de nous, mais leur monde l’est tellement aussi !
Merveilleux. Étonnant.
Il y a certainement un bon nombre de choses dont nous, européens, devrions nous inspirer.
Je pense me forcer à écrire. Peut-être dans le but de recréer un identique de ce que j’avais fais à Prague. C’est nul.
Je trouve ce cahier trop bien tenu et ça m’énerve.
Je suis fatiguée de ça ce soir, j’arrête. Musique, écriture, dessin, photographie.
Silence.
20.02.2011
Tandis que le vieillard déblaie son entrée,
le vent siffle et souffle sur les pins enneigés
Secouant le monde, souffle et sifflement libèrent l’espace atrophié,
laissant libre court à la Vie
– en écoutant Simon and Garfunkel : Cécilia
J’aime pas le poisson, c’est tout ! Alors autant dire qu’à chaque repas, c’est une véritable mission pour me nourrir ! Ce midi là, nous sommes tombés sur des bars à ramen. Sachant qu’il n’y avait pas de poisson et que c’est une spécialité japonaise, j’ai sauté sur l’occasion.
Je me situais sur le siège de gauche sirotant ces nouilles flottants dans une soupe parmi rondelles d’oignons, grains de poivre et... un truc bizarre, tout mou.
Plus les jours passent dans ce Japon de février et plus je me demande quand sera le réveil.
Je ne réalise pas, absolument pas !
C’est extrêmement frustrant. Je voudrais le vivre moi le Japon !
Bien sûr que je le vis mais je ne le ressens pas ; pas comme les États-Unis en tous cas.
C’est peut-être le froid qui fait ça. Le fait de devoir être compressé sous quatre couches.
Ah oui, parce qu’au Japon, l’hiver est vraiment là.
J’ai l’impression d’être atrophiée.
Normalement, c’est au cours d’une musique que ça se produit, devant quelque chose de spécial. Mais là rien ; ou presque rien. Parfois un léger frisson, mais il y a un blocage.
La fatigue peut-être aussi.
Je pense que je ne réaliserai qu’à mon retour en France.
Argl.
Retour en arrière : 18.02.2011
Comment décrire ce que je ressens ?
Je vois des couleurs, des nuances qui s’assemblent en quelque chose de si formidable que j’en ai le cœur serré à l’écrire.
Je suis peut-être trop jeune aussi pour trouver les mots.
C’est pour ça que je dessine.
Le cimetière de Kyoto est un endroit absolument formidable. Océan de granit s’étendant à perte de vue.
Il se situe sur le haut d’une colline.
Il trône ; et les ancêtres veillent sur la ville.
Ce sont les premiers et les derniers que le soleil illumine.
Nous y sommes arrivés par hasard, franchement, cet endroit... c’est une expérience.
Je suis monté tout au haut – il y a plusieurs niveaux où l’on peut se perdre - et, accoudée à la barrière rouillée des plus hautes sépultures, le vent, les sons, le soleil.
Là où les buildings se confondent avec les sépultures
Lieu de vie, lieu de mort, nouvelle rencontre des extrêmes.
A couper le souffle
Je regrette de ne pas avoir plus écrit sur mon voyage. Je regrette de ne pas avoir réussi à retranscrire ce que j’ai vécu.
Des images restent, il faut que je réussisse à les retranscrire sur le papier. Il me faut du temps pour démêler tout le reste.
Voici tout de même certaines petites choses inutiles mais qui me transportent là où elles m’ont été inspirées.
Un son de marteau piqueur indique que l’on peut traverser, et la foule brune se déverse, se cogne, entre les klaxons, les cris et les luminaires.
Les couleurs des immeubles bordant les avenues ont subi la pesanteur au fil des années, coulant le long des fenêtres écorchées et des batteries de ventilateurs, donnant une impression de crasse. A trop subir la ville, il naît sous leurs bras une espèce de sueur poisseuse et indécollable.
Des dizaines de panneaux garnis d’inscriptions illisibles encombrent les rues, brouille le reste, il y en a tellement ! On se sent perdu au milieu de toute cette agitation, des bruits, des lumières, des chauffards, des odeurs. Hong-Kong porte bien son nom, toutes les senteurs s’y mêlent en un tourbillon sensoriel collant bien à l’image qu’on a de cet endroit.
Un immense bordel, un théâtre de la vie et de ses injustices.
Tout à coup Hong-Kong nous éveille.
Sachez que les chinois ne sont pas sans charme.
24.02.2011
– A Kowloon, en février, les fillettes en t-shirt jouent dans les fontaines, les vieux languissent sur des bancs improvisés en chemisette et moi, j’ai trop chaud avec mes deux fines couches. Il est dix heures !
– Les vendeurs de journaux deviennent autodidactes.
– L’on voit de petites vieilles désespérées essayant de distribuer leurs bouts de papier que des jeunettes couvertes de fringues de marques gerbantes refusent sans un regard.
Moi, j’irais à Macao juste pour kiffer ma cage-balcon garnie de plantes et d’habits qui sèchent donnant sur une rue passante pas si asiatique que ça avec comme vue sur le Grand Lisboa.
26.02.2011
A Aberdeen, comme dans toutes les villes de Hong-Kong, les buildings s’étirent tels des piliers, tout fins. Et c’est cette finesse bien spécifique de l’Asie qui nous les rend aussi grands, presque fragiles, à se rompre.
Quadrillés par leurs centaines de fenêtres en relief, on dirait des barres à croquer. Ou des legos. La défense à côté, c’est Polly Pocket.
Mais à Aberdeen, il y a un village à voiles qui flotte au milieu de la boue et heureusement. Il rappelle l’histoire de la ville : la naissance de Hong-Kong tout entier.
Sur la route de l’aéroport, les lumières de la ville prennent des allures de galaxies.
– écouter P-nis, de Gush.
A dessiner : les petites casquettes rouges et blanches. L’homme à la gare. Bonzaï. Repenti. Banc Japonais. Poupée. Yamamoto. Negima. Centro de comidas…
Justine Ghinter