MARIE MENARD réussit son concours au Capes d’Arts plastiques
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- Marie, tu viens d’obtenir le CAPES (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré) d’Arts plastiques en finissant 5eme national, félicitations ! Est-ce que tu peux nous dire en quoi consiste ce concours ?
" Cette année nous étions un peu plus de 1000 inscrits pour 180 reçus, en sachant que plus d’un tiers des personnes ne se sont pas présentées au moment des premières épreuves. L’inscription au concours est simple et coûte 5 euros donc beaucoup de personne le tente plusieurs fois ou simplement pour voir. Le fait de suivre une préparation permet de bien comprendre les attentes des jurys et les contraintes des épreuves.
J’ai préparé le concours du Capes à l’Université de Rennes 2 dans le cadre d’un Master Métiers de l’Enseignement et de la Formation. Du fait des réformes récentes, le niveau requis pour tenter le Capes est passé à Bac+5. La formation que j’ai eue se partage entre la préparation au concours et des enseignements qui portent plus sur la pédagogie et le système éducatif français. Nous avions également deux stages à réaliser en Collège sur lesquels s’est appuyé notre mémoire de fin de Master. La place accordée à la pratique artistique personnelle est aussi très importante à la fois dans la formation et dans le concours en lui même.
Le concours du Capes consiste en 4 épreuves réparties sur deux sessions, une en novembre qui élimine déjà la moitié des candidats et l’autre en fin juin :
Admissibilité :
1 - épreuve de pratique plastique (en 8h) : il faut réaliser une production graphique et/ou picturale
2- épreuve écrite de culture artistique (en 5h) : c’est une dissertation à faire sur une thématique qui concerne l’Histoire de l’Art. Cette année, nous avions deux programmes : La lumière dans les arts en Europe au XIXème siècle : peinture, dessin, estampe, photographie et Place, rôle et usages de la photographie dans le champ des arts plastiques, des années 60 à nos jours.
Admission ; épreuves passées à l’oral devant un jury en juin :
3- épreuve en 2 partie (en 5h) : la première partie est la réalisation d’un objet artistique en réponse à un sujet qui ne réfère pas au domaine artistique et qui cette fois est présenté à l’oral devant un jury.
La seconde partie est une situation d’enseignement fictive qui pose problème et à laquelle nous devions réagir.
Pour ma part, je travaille avec des découpes de polystyrène puis en photographie, d’autres faisaient des sculptures de beurres, de l’animation en pâte à modeler, utilisaient le tricotage, etc. Il y a une réelle liberté dans ce qui peut être proposé au jury.
4 – Leçon portant sur les programmes de lycée et collège (en 3h) : cette épreuve nous met dans la peau de l’enseignant, c’est à dire qu’il faut présenter un cours d’arts plastiques que l’on a imaginé en fonction d’une référence artistique donnée selon des options (théâtre, photographie, cinéma, architecture, arts appliqués, danse) que nous avions choisi à l’inscription.
Cette dernière partie du Capes m’a semblé vraiment intéressante dans le sens où elle montre bien que les situations de pratique artistique mise en œuvre dans le cours d’Arts plastiques s’alimentent toujours sur un champ de références artistiques et qui emprunte aussi à des domaines plus larges.
C’est peut-être la partie la plus difficile parce qu’on rentre dans quelque chose de très concret (Quoi faire, pour quel âge ? Comment évaluer les élèves sans être arbitraire et valoriser leur travail ?...).
J’ai eu la chance de faire des stages (merci aux formateurs qui négocient avec le rectorat !), ce qui m’a vraiment aidé. Mais la tendance générale, même dans les préparations aux concours dans d’autres académies, est plus à minimiser voir supprimer ce type d’expérience. "
− Pourquoi as-tu décidé de tenter ce concours ?
" En fait, pourquoi j’en suis venue à l’enseignement... le déclic est venu en partie de stages que j’ai pu faire dans des centres d’arts ou des théâtres pendant mes études supérieures. Je travaillais dans les relations avec le public, c’est à dire prendre en charge l’accueil des visiteurs d’une exposition par exemple, mais aussi de chercher pour certains évènements des moyens pour impliquer les habitants de quartiers ou encore de recueillir leur avis, négatif ou positif, et voir ensuite comment en tenir compte. Ça consistait aussi à proposer des ateliers, des formes de rencontres un peu plus originales et interactives autour de la programmation d’un lieu.
Mais, cette idée de public m’a gênée à un certain point. Se situer du côté de la diffusion et de l’exposition, s’est aussi se situer dans un espace de présentation plus que de réalisation des œuvres. En effet, une galerie et un atelier sont des endroits où les questions liées à l’artistique ne se posent pas de la même manière.
Le cours d’Arts plastiques m’a paru être ainsi un lieu privilégié pour que la création artistique soit interrogée et expérimentée par des personnes, en l’occurrence les élèves, qui ont à prendre en compte tout ce processus qui va de l’idée à l’œuvre puis à sa présentation et à son interaction avec son environnement.
Du coup, l’enjeu des arts plastiques en tant qu’enseignement réside aussi dans le fait que les élèves ont à leur disposition des moyens d’expressions qui les amènent à développer une vision personnelle, à la défendre et à réfléchir en tant qu’auteur. Dans un sens, c’est grâce à cela que j’ai pu mettre en perspective mon questionnement de départ, c’est à dire quelle relation à l’artistique voulons-nous ?
− Quels conseils donnerais-tu aux lycéens qui se destineraient à devenir enseignant en arts plastiques et à tenter, eux aussi, un Capes ou une agrégation ?
C’est difficile à dire.
Je peux dire que développer une démarche artistique personnelle est un point de départ. C’est vrai que passer par sa propre recherche permet d’être plus précis dans ce qui va être demandé aux élèves .
Expérimenter la diversité des moyens plastiques est aussi une chose d’importante.
Par exemple, je me suis rendue compte que je connaissais vraiment mal la technique photographique. Forcement, dans ce cas là, on sent vite ses limites à pouvoir aider les élèves à réaliser leurs idées...Du coup, cette année, j’ai pris le temps d’essayer des techniques dans lesquelles je ne m’étais jamais vraiment aventurée, comme la lino-gravure, les procédés de photographie anciens ou encore le moulage...
Après, les personnes avec qui j’ai passées le Capes avaient des parcours très différents. Certains venaient des écoles des Beaux-Arts ou d’Arts Appliqués, d’autres de la faculté d’Arts plastiques ou d’Histoire de l’Art... C’est bien de voir qu’il n’y a pas de parcours type. C’est une vocation qui se laisse facilement enrichir par des expériences personnelles. Mais au moment du Capes, la formation du Master nous a été vraiment favorable. Cela donne le temps de revenir sur ses motivations à devenir enseignant.
C’est bien aussi de rester informé des débats qui agitent l’éducation publique et pas seulement en France. Il y a plein de questions qui restent encore ouvertes et c’est bien de pouvoir se positionner par rapport à ça, savoir ce qu’on veut défendre et essayer de comprendre des situations qui ont pu nous gêner nous même en tant qu’élève.
− Tu as suivie l’option Arts plastiques au lycée, pourquoi avais-tu choisie de suivre cette option ?
Je suis arrivée en 2002 au lycée Jean Monet et j’avais choisi de suivre l’option Arts plastiques dès la seconde car j’en gardais un bon souvenir du collège, surtout en terme d’espace d’expression. J’en gardais aussi une impression de challenge, c’est à dire de vouloir aller au bout de la réalisation d’une idée même lorsque je me rendais compte que le travail devenait beaucoup plus conséquent que ce que j’imaginais. Heureusement, notre professeur au collège nous laissait venir travailler en salle d’arts plastiques pendant nos heures de permanence !
J’aimais bien cette concentration dans la réalisation et l’investissement personnel qu’il était possible d’avoir. Le jour où j’ai découvert l’encre, j’ai passé un temps fou à essayer de reproduire des encres réalisées par Victor Hugo que mon professeur m’avait montrées. "
− Qu’est-ce que tu gardes de ces années de formation en Arts plastiques au lycée ?
" Je me souviens très bien du jour de l’épreuve orale du Bac. J’avais installé mes dessins à l’aide de fil de laine rouge, en espérant que le jury ne me poserait pas de question à ce sujet. Et, dès la première question, ils m’ont interrogée sur ces fils. A ce moment-là, j’ai vraiment pris conscience qu’un choix artistique est quelque chose de volontaire. On jongle avec le sens, l’émotion ou l’univers auquel tel élément ou tel objet fait écho.
Et puis, la découverte de nouveaux moyens au lycée comme la peinture ou la mise en volume a élargie mes horizons en terme de pratique. J’ai aussi appris le recyclage durant cette année. La réutilisation du réel et le détournements des objets m’ont apporté une compréhension différente du travail en Arts plastiques et de son imbrication avec le réel.
C’est surement en classe de terminale que ma pratique « scolaire » est sortie de ce cadre pour entrer en relation avec l’extérieur, des œuvres, des artistes, des lieux qui composent ce champs artistique. Les sorties en dehors du lycée ont beaucoup aidées à cela je pense. Le fait de pouvoir voir ce que les autres faisaient nous amenait aussi à comparer, à échanger sur nos travaux. A la fin de mes années au lycée, j’ai voulu ressentir ça avec d’autres disciplines, changer mes méthodes de travail et ça a vraiment bien marché, avec l’anglais par exemple.
− Quelle note au oraux d’Arts plastiques du Baccalauréat ?
" Je crois que j’avais eut 15 ou 14/20. "
− Quel a été ton parcours après le lycée ?
" Je crois que j’ai profité de mes études supérieures pour tenter pas mal de choses différentes mais qui avaient une logique malgré tout pour moi.
Après le lycée, j’ai tenté la fac. Au bout d’une semaine, j’ai arrêté pour entrer aux Arcades une école municipale qui prépare aux concours des Beaux-Arts à Issy-les-Moulineaux.
Mes intérêts se tournaient vers la scénographie de spectacle et les installations et par chance j’ai trouvé un petit boulot dans un théâtre, en banlieue parisienne. C’était la première fois que je mettais les pieds dans un théâtre et, deux ans plus tard, j’y ai fais comme chargée de la programmation jeunesse et des actions culturelles. Durant cette année j’avais mûri l’idée de travailler dans l’organisation d’évènements artistiques et culturels. Avec le soutien de la directrice de mon école, j’ai fais du bénévolat dans des festivals et j’ai rencontré pas mal d’artistes mais aussi découvert les différents métiers de ce milieu.
L’année suivante, j’ai intégré une école privée d’organisation de projets culturels, l’EACà Paris. Dans cette école, on abordait tous les secteurs artistiques : le spectacle vivant, la musique actuelle, l’art contemporain, le design... Pour faire simple, c’était découvrir qu’autour des artistes gravite toute une économie, des lieux, des personnes qui travaillent et permettent la production et la diffusion de la création artistique.
Dans cette école, l’Art Contemporain était très lié à celui du Marché de l’Art international. A ce moment, je découvrais aussi les squats d’artistes et d’autres types d’initiatives sur Paris puis en France, qui véhiculaient des idées comme l’action à l’échelle locale, l’autogestion, une idée sociale de l’activité artistique. D’ailleurs, c’est triste de voir comment ces gens sont très peu soutenus par les autorités. Cet été encore, le plus ancien squat artistique d’Europe ouvert juste après la chute du mur de Berlin a été fermé.
J’ai choisi alors de retourner à l’université dans un cursus d’Arts Plastiques. J’ai fais une première année de Master professionnel spécialisé en Médiation, Art et Publics, ce qui correspond à l’organisation d’expositions et aux relations avec les publics. Un de nos enseignement consistait simplement à organiser une exposition. Nous avions tout à trouver, le lieu, le matériel, les artistes, le public. Nous commencions seul, mais nous finissions toujours par avoir une équipe de gens qui s’étaient impliqués dans le projet.
Au cours de cette année, j’ai aussi fais un stage à Mains d’Oeuvres à Saint-Ouen qui est un centre artistique et culturel indépendant qui rassemble des ateliers d’artistes, des salles d’exposition, de concerts et de spectacles vivants, des espaces de formations et des actions en partenariat avec les écoles environnantes et les associations de quartier. Ce lieu fait parti d’un réseau européen qui regroupe des initiatives similaires.
Cette ouverture sur l’Europe et parce que j’en avais la possibilité, cela m’a décidé à partir l’année suivante avec le programme d’échange universitaire Erasmus à Tallinn en Estonie pour découvrir un de ces lieux, sortir un peu de France et élargir ma vision de l’action culturelle ou artistique. On entend beaucoup parler de l’Europe et ça m’intriguait de savoir comment des gens de ma génération y vivaient et y créaient à l’autre bout. Cela m’a demandé des efforts : s’intégrer, se faire une petite vie là-bas, trouver des opportunités de création, de rencontres. Finalement, je suis toujours en relation avec ce pays et quelques uns de ses habitants aujourd’hui. Franchement, l’Estonie, c’est une expérience à faire !
En rentrant, j’ai décidé de passer le Capes, pour les raisons que j’ai développées plus haut et aussi parce que la découverte d’autres systèmes ou moyens éducatifs, publics ou non, m’a motivée a ré-investir ça en France. "
− Qu’est-ce qui t’attends maintenant que tu as obtenu le Capes ?
Je profite encore d’un programme européen de formation qui s’appelle Comenius. Je serai assistante pédagogique dans un collège/lycée estonien pendant un an et puis j’en profiterai pour participer à des projets associatifs sur place. A mon retour en France,il faudra que je valide mon concours par une année de stage dans l’Education nationale. Ça me donne déjà une visibilité sur les 2 années à venir !
- Pour finir, quels seraient les artistes dont tu recommanderais le travail, les références que tu as croisées ces dernières années, qui t’auraient marquées...
Je suis fascinée par le renouveau du Cirque actuel, ce qu’on appel le Cirque contemporain et particulièrement le travail de Johan Le Guillerm qui détourne les codes du Cirque traditionnel et manipule a peu près tout ce qui lui passe sous la main.
Ce qui se fait en Théâtre d’Objet, qui est une évolution actuelle de la manipulation de marionnette, me plaît beaucoup aussi. Ça rejoint énormément certaines démarches que j’apprécie chez des artistes photographes et plasticiens comme Joachim Mogarraou Joan Fontcuberta Il y a une belle ironie sur l’illusion de ce qui nous est montré et l’imaginaire est sollicité en permanence.
Les oeuvres d’Eduardo Chillidaen sculpture et tout son travail sur la découpe de papier.
Le travail de l’Oulipoet leur jeu sur la contrainte créative qui m’a aussi amené à Jacques Carelmanet ses Objets Introuvables.
Récemment, j’ai aussi découvert Rémi Jacquier, un jeune artiste qui oscille entre dessins en grands formats, maquettes d’architecture et création d’instruments musicaux atypiques.
La démarche de l’artiste estonienne Rael Artel et tous son travail à partir du documentaire suite aux émeutes de Tallinn en 2007.
Les films de Jean Rouchet particulièrement Moi, un Noir.
Les animations de Jan Svankmajer
Les canulars des Yes Men
L’ile aux machinesqu’il me reste à aller voir à Nantes, etc ...
Et je termine sur Jean Tinguelyqui reste, pour moi, une référence incontournable ! "
Merci beaucoup Marie et encore un très grand bravo pour ce Capes !