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Initiation à la philosophie pour les élèves de seconde : conférence " Peut-on se passer du silence ?"

Peut-on se passer du silence ?

 Hervé Miclot, professeur de philosophie, a proposé aux élèves de seconde 11 et à ses élèves de terminale G2 une conférence sur le thème " Peut-on se passer du silence ?", dans le cadre du projet PACTE " MOOD, Musique, Objectif développement durable"


 Adélie, TG2, nous propose un compte rendu très complet de cette rencontre.

Ce jeudi 8 octobre, M Miclot, professeur de philosophie, a été invité à intervenir auprès d’élèves de seconde sur la question du silence. En commençant par une approche physique du silence, puis, en justifiant la peur qu’il génère chez les hommes, M Miclot a dressé un portrait de ce concept intrigant qui brille par son absence, dans nos sociétés occidentales meublées de bruits. Du Big bang au développement durable, le silence est partout et surtout en nous. Voici, si vous le voulez bien, le résumé des paroles de notre cher professeur.

Commençons par une rapide présentation et définition du silence, car oui, il est nécessaire, pour en parler d’être bien d’accord sur la signification de ce terme. Le silence, donc, c’est l’absence de vibration dans l’espace. Le son c’est donc quelque chose qui se heurte à autre chose. Il y a du son lorsqu’il y a une résistance. L’espace est rempli de matière en mouvement. L’espace est vibrant de tout son être, par conséquent, il est plongé dans un bruit permanent. On l’appelle : bruit diffus de l’univers. Ce bruit s’oppose au silence qui est la source de l’univers ; avant l’univers il n’y avait rien, pas de matière, pas de vibrations, rien, le néant. Puis il y eut le big bang, c’est ce bruit là, celui de l’expansion de notre univers qui vint briser le silence originel et premier. L’univers à travers son bruit permanent signifie qu’il existe. Il lutte contre un silence insupportable. Pourtant le silence auquel nous sommes confrontés est un silence illusoire : ce n’est pas parce que notre oreille ne peut pas percevoir le bruit diffus de l’univers que ce bruit n’est pas. Le silence que nous connaissons, celui de ne rien entendre est un silence secondaire. Cependant ce silence nous ramène sans cesse à ce que nous sommes, il provoque chez nous une angoisse, nous y voyons le reflet de la vacuité de notre être.

Lorsque nous faisons face au silence, nous nous faisons face ; souvent notre premier réflexe est celui de la peur. Prenons l’exemple de l’insomnie : l’insomnie est une attente dans laquelle rien ne se produit. Le silence nous fait face et, la seule chose que nous percevons c’est l’existence qui se déroule sans nous. Nous sommes en dehors du monde. D’ailleurs le silence nous exclut. Quelqu’un qu’on ignore, qui ne peut s’exprimer, a la sensation de ne plus exister. La peur de ne plus exister, d’être réduit au silence nous rend avides, en quête d’un bruit permanent pour combler le silence. Ce silence nous l’aménageons sans cesse ; on s’exprime pour exister. La parole est notre musique personnelle, notre bruit. Dieu est une réponse au silence. C’est une parole qui vient animer le silence, qui nous dépasse ; nous nous en remettons à lui pour être entendu, même quand nous sommes seuls, pour ne jamais être plongés dans le silence.

Pourtant, nous pouvons nous interroger sur notre réaction puérile de déni du silence. Le silence nous effraie au premier abord, certes, mais le silence n’est-il pas un remède à l’angoisse qu’il génère chez nous ? Si, plutôt que de chercher à le fuir, à le camoufler, à l’emplir de bruit et de mots vides qui inspirent un silence d’autant plus profond et insensé, nous essayons de l’accueillir. Que se passerait-il ? Nous avons besoin de silence, il est à la source de toute chose, il est présent en nous, nous ne pouvons nous en défaire. Méditer, c’est choisir le silence, c’est un silence volontaire dans lequel nous nous plongeons, un silence apaisant. L’univers est né du silence. Pourquoi les choses en nous ne naîtraient-elles pas elles aussi du silence ? Le silence peut-être source de création. Accepter le silence, ne signifie donc pas, s’y terrer pour toujours mais plutôt revenir à lui, s’absenter du bruit quelques instants pour y revenir enrichi de sa propre matière. La contemplation par exemple, c’est faire un avec quelque chose qui n’est pas soi, contempler le silence, faire un avec lui. Toute chose ici bas possède sa part de silence, et la contempler, c’est unir notre silence au sien, pour s’agrandir pour s’anoblir.

En somme, notre civilisation actuelle s’est bâtie sur des choses vaines et matérielles. Car plutôt que d’avoir pris le temps d’accueillir le silence pour bâtir quelque chose de durable et d’harmonieux, nous avons préféré se ruer sur le bruit, le mettre partout, à tel point qu’il nous étouffe. La société fait de nous des êtres rentables. Plus on produit, plus on va à l’encontre du silence, moins nous sommes durables. Paul Valéry nous disait " Nous perdons cette paix essentielle des profondeurs de l’être". Le monde devient inutile à force d’utilité. Être rentable tue la vraie valeur des choses et des gens.
Même l’art aujourd’hui se trouve standardisé pour devenir rentable. Car si l’art nous rappelle à notre silence, nous le trouvons inutile, il n’est pas rentable. Très bien, supprimons le ! Mais que restera-t-il de nous ? Il faudrait donc s’obliger à un certain silence, être capable d’être seul. Le silence, c’est la capacité de rencontrer l’autre, se risquer à faire face au silence de l’autre. Le vrai plein serait le silence animé d’une parole commune. Nous avons perdu le goût du silence.

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