Accrocher l’oeuvre/le spectateur par Léo Duquet
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Mon projet est la représentation simplifiée d’une ronde humaine dans l’espace.
Il est composé de sept portraits de mes camarades en Arts plastiques. Les sept personnes se donnent la main, formant une ronde et tournés vers l’intérieur.
J’ai fais la démarche de distinguer les portraits les uns des autres : en effet, j’ai eu besoin d’attribuer à chacune des personnes un plan dans l’espace, pour former ma ronde.
Lorsque j’ai photographié mes camarades, ils étaient déjà disposés en cercle mais j’ai dû séparer leurs images et les « détacher » pour reconstruire en trois dimensions cette ronde. Pour ce faire, afin de retrouver cette idée et cette structure de cercle, j’ai choisi une équivalence dans l’espace pour symboliser leurs poignées de mains, faite de ficelles.
L’œuvre.
L’accrochage de l’œuvre prend ici un sens. Les personnages sont, symboliquement :
• liés les uns avec les autres ;
• unis par un accrochage commun.
L’interprétation possible de cet accrochage n’est pas absolue : chacun peut y trouver son idée, sa réflexion. Mon œuvre tourne autour de notions universelles étroitement liées :
I. La diversité et l’égalité des hommes. Les sept personnes sont différentes (chaque portrait est singulier ; leur hauteur physique dans la ronde varie de l’une à l’autre) mais elles remplissent un moule commun, celui de l’humain, et sont ainsi définies équitablement par le même modèle (chacun a le même cadre et la même posture, et chacun est lié au même cercle).
II. L’individualité et l’unité des hommes. Chaque personne est physiquement distincte (portraits individuels sur des plans individuels) et cependant, les individus forment grâce à leur alliance (poignées de mains) un tout : la ronde. Ce tout est appelé humanité ou genre humain.
III. Une idéale amitié des hommes. Donner la main à ses voisins : voilà un geste symbolique sûrement universel d’alliance, de paix, de bonne entente mutuelle (la poignée de mains n’étant possible qu’avec la décision des deux personnes de se donner la main). Ici, tous les hommes sont amis avec tous leurs semblables par amour d’autrui et parce qu’ils partagent la même essence et le même monde. Ils forment ainsi naturellement une ronde harmonieuse, significative de leur amitié collective, c’est-à-dire une société. Le véritable idéal est d’imaginer cette amitié à l’échelle planétaire.
IV. Le mystère de la transcendance. Le cercle qui est à l’origine des hommes dans mon accrochage, ce fondement commun qui permet leur union, peut être une représentation extrêmement simplifiée du monde (la terre, origine des hommes, ou la Terre, planète des hommes). Et si on suit le fil de mon accrochage et qu’on oublie sa dimension pratique (« il fallait bien que ça tienne »), le cercle est lui-même lié à quelque chose d’invisible. Le monde serait lui-même lié à un élément transcendant : Dieu ? la nature ? le hasard ? rien ?
Ainsi, l’accrochage fait de mon œuvre une maquette universelle et symbolique de l’humanité.
Le spectateur.
L’accrochage du spectateur consiste à intégrer les passants dans cette ronde, à rejoindre les personnages.
Le spectateur est naturellement invité dans la ronde.
Il est d’abord intrigué par cette maquette suspendue dans le lycée, dans un bâtiment isolé. Il comprend spontanément qu’une place l’attend : le cercle est ouvert. Les portraits de mes camarades suspendus sont à peu prés à hauteur d’homme, pour que le regard du spectateur soit à leurs niveaux.
L’objectif de mon projet n’est pas de transmettre au spectateur des idées philosophiques mais de former dans son intimité un sentiment d’attendrissement face à l’homme, en créant une atmosphère.
Cette ambiance propice à l’attendrissement découle :
• de portraits de petite taille, d’apparence fragile par leur structure et leur suspension ;
• d’un réseau de regards tissé par l’union des personnages ;
• du silence du bâtiment désert et d’une impression de silence obtenue par la photographie, qui est la trace d’un temps figé ;
• et surtout, de la construction d’un milieu à caractère enfantin : la structure circulaire tourne très légèrement et rappelle le mouvement d’un manège de chevaux de bois, ou d’un mobile suspendu au-dessus d’un landau.
Ce mouvement léger qui évoque la petite enfance a pour moi une portée universelle.
Passage du plan au volume.
La construction de ma maquette m’a conduit à passer de photos individuelles, dites en deux dimensions, à un assemblage dit en trois dimensions.
En disposant les images en cercle, j’ai créé un espace qui permet au spectateur d’être intégré à mon œuvre. Cette intégration physique lui est, la plupart du temps, impossible devant une image plane, comme un tableau. Grâce au volume, le spectateur d’une œuvre n’est plus seulement imprégné d’une ambiance, d’une atmosphère, mais il y est intégré : il y prend place et peut s’y repérer physiquement.
Pour moi, le passage du plan au volume s’apparente au passage d’une œuvre « fenêtre » à une œuvre « maquette. » (On peut comparer une peinture représentant une scène de vie dans une maison d’autrefois, et la reconstitution de l’intérieur de cette maison.)
Conclusion.
Ce projet s’éloigne de ma problématique artistique mais suit l’aspect conceptuel, universel et symbolique de mes projets précédents, et reprend une étude de la notion d’atmosphère que je pense presque fondamentale à l’émotion.
Léo Duquet, terminale L.
Janvier 2012.