"Techniques" graphiques
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Les objectifs de l’option facultative Arts plastiques sont en premier lieu des visées d’expression et de questionnement artistique, voici l’exemple d’un travail plus "technique".
Je tiens à nuancer le mot "technique". On trouve comme définition du mot "technique" : "Qui, dans les domaines de l’art, concerne les procédés de travail" or, comme j’ai pu le constater avec le travail d’un élève de collège, dessiner en faisant rouler une balle de tennis trempée dans la peinture est un merveilleux procédé graphique.
Ici, si ces exercices peuvent être considérés comme plus "techniques", c’est qu’ils visent à l’acquisition de procédés graphiques bien précis. Ils visent à l’acquisition de compétences importantes pour l’option Arts plastiques, mais pas non plus indispensables puisque l’on peut tout à fait réaliser un dossier personnel de photographies ou de vidéo en terminale. Ces compétences restent attendues pour l’entrée dans la plupart (mais pas toutes !) des écoles d’art.
Sujet : EXERCICES GRAPHIQUES :
A des fins de remise à niveau graphique, voici 7 exercices techniques. Mais la technique ne signifie rien si l’on n’est pas conscient des enjeux de toute technique, c’est pourquoi ces exercices s’appellent : Sensibilité, Spontanéité, Dépense, Jeu, Quantité, Décision et Exigence.
Choix d’une image modèle (corps, objet, architecture ou paysage :pas d’images publicitaires ou de mode !)
Vous travaillerez sur des formats A4, côté lisse. Le calque est bien évidemment interdit.
1- Sensibilité : reproduire par traits légers et tremblés (crayon H)
2- Spontanéité : reproduire en une seule ligne (crayon B)
3- Dépense : reproduire par crayonnage (crayons de couleurs)
4- Jeu : reproduire en délimitant les surfaces (image/puzzle, crayons H et B)
5- Quantité : reproduire en utilisant seulement des traits de 3 cm tracés à la règle (crayons H et B, règle et gomme)
6- Décision : reproduire en simplifiant au maximum (crayon B)
7- Exigence : reproduire avec le plus grand réalisme possible (proportions, rendu du volume, modelé et contraste, exigence formelle) : crayons H et B, gomme)
8 Invention : inventer votre propre processus graphique et décrivez le au dos en précisant quelle est la notion qui vous semble en être le centre (techniques libres).
Tous les exercices reproduits ci dessus sont le résultats du travail de Thomas Héliot en seconde en 2007 (étudiant par la suite à l’académie Charpentier) car c’est un des dossiers graphique parmi les plus maîtrisé et complet que j’ai pu évaluer.
Voir aussi 4 dossiers et ce que peuvent en dire 4 élèves de secondes en 2011.
Enjeux techniques et pédagogiques :
Les élèves ont, à la maison, un dessin à faire par semaine et chaque exercice leur est expliqué d’une semaine sur l’autre en même temps que sont commentés leurs résultats et leurs progrès.
Les objectifs de chacun de ses exercices sont bien précis :
– Pour Sensibilité, il va s’agir de quitter les pratiques de trait-contour (qui dominent trop souvent les conceptions du dessin pour les élèves en seconde) et d’aborder le trait de manière plus saccadée, plus hésitante, timide, fragile. Se rendre compte des qualités esthétique de l’inexactitude et peut-être y prendre plaisir...
– Pour Spontanéïté, il va s’agir de contrebalancer l’exercice précédent en tentant d’imposer un plus grand contrôle à son geste. L’impossibilité de quitter la feuille va cependant obliger l’élève à jouer d’une invention formelle plus grande et oser des passages entre telle et telle forme. Cela va être aussi l’occasion pour l’élève de se rendre compte qu’une ligne efficace est une ligne qui est tracée de manière dynamique, continue, spontanée et ainsi d’interroger leur rythme de travail.
– Pour Dépense, il va s’agir de poursuivre la réflexion abordée sur le rythme. Ainsi, le crayonnage devra se faire le plus rapide possible, le changement de couleur de même. Avec ce procédé, il va s’agir de faire rentrer en compétition rythme de travail et volonté de contrôle. L’exercice est réussi quand les élèves trouvent le point d’équilibre entre les deux. C’est aussi constater que le rythme de travail se perçoit visuellement et que, s’ils ont bien fini l’exercice en sueur, ça se verra !
– Pour Jeu, il va s’agir de retrouver le goût de la forme délimitée et fermée. Ce qui change de l’habituel trait contour, c’est que les élèves ont l’obligation de délimiter absolument toutes les surfaces qu’ils peuvent apercevoir. C’est là que se trouve la dimension de jeu, puisque les élèves vont ainsi observer toutes les surfaces de matière et surtout d’ombres et de lumière (ils sont d’ailleurs invités à utiliser crayons gras et secs) et vont devoir tenter de délimiter les zones d’ombres qui sont souvent indéfinies. Délimiter l’indéfini, l’informe... et donc faire des choix.
– Pour Quantité (exercice au combien absurde), il va s’agir de traiter le dessin seulement par traits courts et droits. Comment faire naitre la courbe ? C’est ainsi une question qu’ils ne pourront résoudre que par la quantité. Ils sont aussi invités à traiter la surface et, la gomme étant recommandée, de jouer avec toutes les traces infimes que laissent un dessin qui a été effacé, repris, effacé à nouveau... Ici, c’est le graphisme en terme de processus et de durée qui est à concevoir pour l’élève.
– Pour Décision, il va s’agir de faire comprendre que, si en faire beaucoup reste un gage de progrès graphiques et d’apprentissage, en faire le minimum peut être difficile. Savoir être efficace avec peu, observer les qualités esthétique du peu, du moins... Cela va ainsi entrainer les élèves à utiliser la forme interrompue et leur faire se rendre compte qu’il s’agit d’un excellent moyen pour évoquer la lumière.
– Pour Exigence, il va s’agir de faire comprendre qu’un dessin le plus ressemblant possible fait peut-être la synthèse de tous les exercices précédents... Plus particulièrement, les élèves vont devoir pleinement utiliser leurs crayons gras (B) pour traiter le volume de manière fortement contrastée et d’oser des plages de noir fortes (envers lesquelles ils sont encore, pour la plupart, timides).
Critères d’évaluation :
– /4 diversifier et maîtriser son GESTE (léger, appuyé, rapide, lent, régulier, irrégulier...) et la LIGNE (continue, discontinue, sèche, étendue, caractère de la ligne : hésitante, autoritaire...) /ex:1-2-6
– /3 diversifier et maîtriser son rapport à la FORME (courbe, anguleuse, fermée, ouverte, figurative ou non...) /ex:1-2-4-5-6-7
– /3 capacité à RENDRE LE VOLUME et à traiter la SURFACE /ex:3-5-7
– /3 REALISME : mettre en rapport (proportions) les éléments plastiques (contraste, geste, lignes, formes, surfaces,...) et les faire oublier à des fins de RESSEMBLANCE /ex:7
– /3 INVENTION : développer et ouvrir le graphisme à d’autres notions (outils/instruments, supports, conditions de travail et processus...)
– /4 TRAVAIL, INVESTISSEMENT et compréhension du travail comme un élément visible et plastique (plus particulièrement ex : 3-5-6-7
REFERENCES ARTISTIQUES :
Bien sur, les notions de sensibilité, de spontanéité, de dépense, de jeu, de quantité, de décision, d’exigence ou d’invention se retrouvent dans un grand nombre d’oeuvre et sont des pistes pour les analyser.
Un corpus d’oeuvres, graphiques ou autres, qui interrogent, sans non plus les réduire à cela, chacune des notions :
– Sensibilité :
Tendresse, audace et émotion des gestes picturaux de Daumier.
Cy Twombly ou porter son attention, interroger l’esthétique graphique particulière du graffiti, du gribouillage, de la rature.
– Spontanéité :
La miraculeuse ligne gravée de Claude Melan.
Virtuosité baroque de Battista Franco.
André Masson ou pousser la spontanéité de la ligne jusqu’à atteindre l’inconscient.
– Dépense :
L’engagement physique de Jackson Pollock.
– Jeu :
Les jeux plastiques de formes et de contreformes de Salvador Dali.
La séduction et le piège du style, chez Bernard Buffet.
La poésie analytique du graphisme de Nathalie Elemento.
– Quantité :
Pablo Picasso a expérimenter et affirmer un très grand nombre de processus graphiques. Ici un exemple de radicalisation du trait et de la forme.
L’acharnement à comprendre d’Alberto Giacometti.
– Décision :
L’existence du fragile chez Alberto Giacometti.
L’humilité joyeuse et calligraphique d’Henri Matisse.
Parce que la bande dessinée et l’illustration sont aujourd’hui un fantastique laboratoire d’expérimentations, et d’identité graphique : Hugo Pratt.
– Exigence :
L’incroyable exigence de l’oeuvre du trop méconnu Gérard Gasiorowski avec sa maîtrise de l’hyperréalisme et déjà une tentative pour "miter" l’image et quitter un système.
– Invention :
Sculpter le dessin, avec Pierrette Bloch.
Peindre son autoportrait avec des pinceaux que Miquel Barcelo fabrique avec des poils de métal.
Richard Long marche, et dessine.
Ce perpétuel inventeur de formes qu’est Pablo Picasso.
Machine à dessiner de Jean Tinguely.
Machine couple de Rebecca Horn.
Un père, Denis Oppenhein, son fils ,pour une expérience de dessin ludique, sensible, affective et ressentie.